Code du travail: Peut-on échapper à des poursuites pénales ?

  • La délégation des pouvoirs évite le pire
  • Les jurisprudences rares et inconstantes
  • Pas de véritables craintes pour les patrons

En cas d’infraction au code du travail, la responsabilité civile du chef d’entreprise est en principe toujours engagée. Mais pourrait-il échapper à des poursuites pénales, susceptibles de l’entrainer jusqu’à la prison ferme? Eh bien oui, une solution légale existe. Il s’agit de la délégation des pouvoirs au sein de l’entreprise. En délégant ses pouvoirs à des tierces personnes, l’employeur se défait de toute responsabilité pénale. Cette mesure est clairement prévue par la loi marocaine. ‘La délégation des pouvoirs au Maroc a une origine législative. L’article 548 du code du travail en généralise le principe. Et sur ce point, le Maroc est en avance.
En France par exemple, la délégation est d’origine jurisprudentielle’, précise Miloudi Hamdouchi, docteur en droit des universités marocaine et française, avocat au barreau de Paris et auteur de plusieurs essais, dont ‘La délégation des pouvoirs en droit du travail’ (éditions Remald). D’après lui, à part les responsabilités inhérentes au chef d’entreprise, à savoir la production et la fixation de la politique générale de l’entreprise, tout peut être délégué, y compris les responsabilités sociales. Cependant, il existe des conditions à respecter, sans lesquelles la délégation est sans grand secours pour l’employeur.
Des conditions toutes liées au choix du délégataire. D’abord, il faut qu’il soit compétent par rapport à l’objet de la délégation, et qu’il puisse totalement appréhender les conséquences de la mission qui lui a été confiée. Un délégataire qui n’a pas de connaissance de la réglementation et des bonnes pratiques, qui n’a pas de diplômes ou n’a pas suivi des stages ou des formations spécifiques ne pourrait être tenu pour responsable. Ceci même s’il justifie d’une expérience de 20 ans dans son domaine d’activité.
Il faut également que le délégataire jouisse, de par sa fonction, d’une autorité sur les préposés. Et enfin, qu’il dispose des moyens, humains et financiers, nécessaires pour l’exercice des fonctions qui lui ont été léguées.
Selon Hamdouchi, la délégation est une chance pour l’employeur marocain, mais aussi pour les étrangers qui s’installent au Maroc, et qui croient que toutes les infractions au code du travail mènent en prison. Toutefois, les jurisprudences dans le domaine sont rares et ‘inconstantes’. ‘Le code du travail marocain est plus ou moins complet, mais il manque de jurisprudences pour le clarifier. Il y a un sérieux manque à gagner de ce côté’, estime Hamdouchi. ‘Malheureusement, nous avons des juristes travaillistes qui ne font pas leur travail’, ajoute-t-il.

Les employeurs peinards

En général au Maroc, les chefs d’entreprises n’ont pas grand-chose à craindre. Les employés n’ont pas toujours le courage d’ester en justice contre leurs employeurs, malgré le fait que la loi leur donne ce droit. Ils craignent les représailles. Surtout s’ils sont analphabètes et ne connaissent pas vraiment leurs droits.
D’un autre côté, ils ne se soucient pas de leurs conditions de travail autant que de leur paie. Ils préfèrent réclamer des augmentations plutôt que d’autres droits sociaux. Les employés ne décident en général d’intenter une action en justice que quand il y a résiliation de leur contrat de travail. Par ailleurs, les sanctions imposées aux employeurs ne sont pas vraiment dissuasives. Par exemple, en cas d’emploi de mineurs de moins de 18 ans et de femmes dans des carrières ou dans des travaux souterrains effectués dans des mines, comme en cas de dépassement de la durée hebdomadaire ‘normale’ du travail (44 heures) ou de refus d’accorder le congé annuel payé, l’employeur n’encourt qu’une amende allant de 300 à 500 DH.
La non-organisation des élection des délégués du personnel est, elle, passible d’une amende allant de 25.000 à 30.000 DH. Une somme que l’employeur est tout à fait prêt à payer, pourvu qu’il ne perde rien de son pouvoir.
Certains déplorent aussi le nombre insuffisant des inspecteurs du travail. Il y a une année, ils étaient un peu plus de 450. En 2007, le ministère de l’Emploi en a recruté une centaine. Mais le nombre demeure faible par rapport aux infractions à épingler!

Source : leconomiste.com

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