Dialogue Sociale : Une hausse du smig n’effraie pas la CGEM
- Le patronat l’assortit d’un paquet de réformes fiscales
- Le gouvernement met sur la table la revalorisation des AF et des pensions
C’est une question de jours avant que le dialogue social ne soit relancé. Syndicats et CGEM ont présenté leurs doléances et attendent le rendez-vous du gouvernement. Entre-temps, des commissions interministérielles ont été mises en place pour examiner les différentes revendications. Elles ont bouclé leur travaux et remis leur copie au Premier ministre. En principe, ce round devrait être finalisé avant la Fête du travail, syndicats et gouvernement ayant pris l’habitude d’annoncer un paquet de mesures la veille du Premier mai.
L’augmentation des salaires est demandée par toutes les organisations syndicales. Le patronat ne s’y oppose pas ‘à condition que cela s’inscrive dans un panier global et équilibré’. ‘Nous sommes conscients qu’il faut donner du pouvoir d’achat mais les solutions sur le revenu doivent être trouvées dans un projet global et équilibré’, soutient Abdelmjid Tazlaoui, président de la commission Emploi à la CGEM. Ce qui suppose une politique fiscale claire et des engagements de la part du gouvernement. Il met toutefois en garde contre une fuite en avant qui se traduirait par la perte de compétitivité des entreprises. Tazlaoui cite l’exemple de la Roumanie qui a rapproché le smig du niveau européen, ce qui s’est soldé par de la perte d’emploi.
Les discussions entre les partenaires sociaux risquent d’être animées, surtout qu’une augmentation du smig pourrait être gênante pour le textile et l’agroalimentaire où la compétitivité-prix repose d’abord sur le coût direct de la main-d’Å“uvre.
Dans leur bataille du rattrapage du pouvoir d’achat, les syndicats peuvent s’appuyer sur la hausse des prix des produits de consommation courante pour obtenir des concessions.
En plus d’une revalorisation du smig, ils demandent la mise en place de l’échelle mobile des salaires. La FDT et l’ODT (Organisation démocratique du travail) proposent entre 2.500 et 3.000 dirhams de smig. Les autres syndicats sont favorables à une augmentation mais n’avancent pas de chiffres. A la CDT, Abdelkader Zaer, membre du bureau national, rappelle ‘qu’une étude effectuée en 1990 par la CDT avait relevé que 4.500 à 6.000 dirhams mensuels pouvait constituer un minimum vital’.
L’échelle mobile des salaires a séduit les syndicats l’année dernière. Ils reviennent donc à la charge et demandent son institutionnalisation.
Selon nos informations, le ministère des Finances serait pour et le Premier ministre contre. Les Finances préfèrent ainsi éviter de se retrouver chaque année à négocier les augmentations salariales puisqu’elles s’effectueraient automatiquement en fonction des niveaux d’inflation. En revanche, la Primature juge ce mécanisme risqué, car il est responsable de la crise en Amérique latine durant les années 70 et 80, notamment dans des pays comme l’Argentine.
Le gouvernement Jettou avait proposé le smig comme niveau de salaire à l’entrée au travail. Les augmentations devaient par la suite intervenir sous forme d’indemnités en fonction du taux d’inflation. Un taux de 2% d’augmentation était prévu. Il était basé sur la moyenne de l’inflation enregistrée au cours des 10 dernières années. Mais le projet a été abandonné.
Dans le secteur privé, une des pistes à l’étude est l’augmentation des allocations familiales, une branche largement excédentaire. Selon nos informations, la hausse varierait entre 150 et 200 dirhams. Ce qui porterait le montant à 200-250 dirhams par enfant. La CNSS puiserait dans la ‘rubrique’ Aide sanitaire familiale qui n’est plus utilisée, et ce depuis la mise en place de l’assurance maladie obligatoire. La subvention aux polycliniques pourrait également servir à financer cette augmentation, à condition que le processus de gestion déléguée aille vite.
La revalorisation des pensions de retraite est également envisagée. Le minimum pourrait être relevé à 600 dirhams, contre 500 actuellement.
Les syndicats sont également pour la défiscalisation des retraites et la révision des paliers d’imposition de l’IR. La CDT propose d’exonérer les salaires inférieurs à 40.000 dirhams annuels et la généralisation du taux d’imposition de 17% au personnel des entreprises minières. Dans cette surenchère, l’UGTM va encore plus loin: elle propose un abattement de 60% des salaires, une revendication qui relève de ‘l’utopie’.
Les syndicats critiquent aussi les disparités salariales dans la Fonction publique et exigent une nouvelle grille. Ils sont unanimes sur la nécessité de revoir le statut de la fonction publique et le système de promotion. Celui envisagé (mais pas appliqué!) par le gouvernement devrait introduire de nouveaux mécanismes d’évaluation. L’idée étant d’institutionnaliser l’obligation de résultat et de réduire le poids de la règle d’ancienneté qui prévaut dans la progression des agents de l’Etat. Le passage d’un échelon a un autre s’effectue sur la base de la notation, alors que le concours d’aptitude professionnelle est obligatoire pour le passage d’un grade à un autre. Dans ce cas, 11% des effectifs les plus brillants sont retenus. Après dix ans d’ancienneté, les fonctionnaires sont classés dans un tableau en fonction de la moyenne des notes obtenues durant les 10 dernières années et de l’appréciation de leur hiérarchie. A ce niveau aussi le quota de 11% des effectifs est retenu.
La FDT estime que ce système a ouvert la porte au ‘clientélisme’. La CDT est pour une augmentation des quotas à 33% dont 22% des promotions s’effectueraient par le biais des concours d’aptitude professionnelle. La CDT privilégie aussi la mise en place de critères d’évaluation ‘quantifiables’.
L’UGTM est également pour l’augmentation des quotas à 33%. Elle va plus loin et propose l’abandon de ce système qu’elle juge ‘anti-constitutionnel’.
Mais, de l’avis de certains hauts fonctionnaires, cette revendication ne risque pas d’être satisfaite. D’abord parce que le mécanisme vient juste d’être mis en place, et ensuite l’augmentation des salaires recherchée à travers les promotions ne profitera pas à tout le monde. Or, l’objectif est d’améliorer le pouvoir d’achat de tous les fonctionnaires. Du moins selon un haut responsable dans l’administration.
Trois propositions seront mises sur la table par le gouvernement. La première est une amélioration des salaires, soit par le relèvement du seuil exonéré de l’IR, soit par une refonte des tranches. La seconde est une augmentation générale mais elle n’est pas jugée intéressante pour les petits salaires. La troisième serait une augmentation forfaitaire. Il doit également tenir à l’Å“il l’évolution de la masse salariale. Entre 2000 et 2007, les différentes mesures mises en place ont coûté près de 30 milliards de dirhams, soutient un responsable.
En contrepartie, le gouvernement exigerait une paix sociale, la loi sur la grève et une loi sur les syndicats. ‘Nous nous retrouvons avec une trentaine de syndicats et on n’arrive plus à savoir qui représente qui’, affirme un responsable. Une loi sur les mutuelles pourrait également être mise en place. L’objectif est d’assurer plus de transparence dans leur gestion. L’Administration exigera également un meilleur ‘rendement’ de ses salariés.
Source : leconomiste.com