Droit du Travail : Contrat de travail & Licenciement
Contrat de travail – Licenciement
La cour suprême / Arrêt n° 279 du 14-03-2007
Affaire Mme R.B contre la société P.D.F
Contrat de travail – licenciement – article 62- conditions de forme à respecter par l’employeur (oui) – obligations du recours préalable à l’inspecteur du travail en cas de refus de poursuivre la procédure par l’une des parties (oui)
Contrat de travail
Un contrat de travail à durée indéterminée peut prendre fin, à tout moment, soit à l’initiative du salarié, par la démission de ce dernier, soit à l’initiative de l’employeur, par la mise en oeuvre d’une procédure de licenciement.
Le licenciement individuel est régi par la loi n° 65-99 relative au Code du Travail, promulguée par le Dahir n° 1-03-194 du11 septembre 2003. Ladite loi prohibe le licenciement sans motif valable dans son article 35 sauf si celui-ci est lié à son aptitude ou à sa conduite. Aussi, elle a mis en place une procédure légale qu’il faut respecter, dans sa globalité, par l’employeur en pareil cas et à défaut de laquelle, le licenciement est considéré abusif c’est ce que rappelle l’Arrêt de la Cour Suprême n° n°279 du 14/03/2007).
En date du 03/02/2005, Mme R.B a introduit une requête introductive d’instance devant le Tribunal de Première Instance de Casablanca sollicitant une indemnisation suite à son licenciement en date du 03/02/2005 par la société P.D.F pour laquelle elle a travaillé depuis le 10/01/1994.
Le Tribunal en charge du dossier, a rendu un jugement ordonnant le paiement au profit de Mme R.B des indemnités suivantes : 60.000,00 Dh comme indemnité compensatrice de préavis, 100.800,00 Dh comme indemnité légale de licenciement, 10.000,00 Dh comme indemnité compensatrice de congés payés et 230.000,00 Dh comme dommages intérêts pour licenciement abusif. Ledit jugement a été confirmé par la Cour d’Appel de Casablanca en date du 13/12/2005.
La Société P.D.F prétend que la Cour d’Appel a mal interprété les dispositions des articles 62 et 63 du Code du travail puisqu’elle a respecté la procédure dictée en la matière par lesdits articles ; de même, elle a violé les dispositions relatives à la méthodologie du calcul des indemnités correspondantes.
Il s’agit donc pour la Cour Suprême de statuer sur la conformité de la procédure suivie par la société P.D.F à la procédure légale mise en place par le code du travail et quelles sont les indemnités à pourvoir en la matière et leur mode de calcul.
L’argumentation du pourvoi n’a pas été reconnue par la Cour Suprême en ce qui concerne la légitimité du licenciement tout en annulant la partie relative au calcul des indemnités. Ainsi, la Cour Suprême a décidé, dans notre arrêt de confirmer la décision de la Cour d’Appel en ce qui concerne la confirmation du caractère abusif de licenciement et de rejeter le mode de calcul des indemnités correspondantes.
Cet arrêt présente quelques intérêts. Tout d’abord, il définit la procédure mise en place par le code de travail pour le licenciement d’un salarié pour juste motif. Ensuite, il cherche à déterminer le mode de calcul des indemnités à payer au salarié en pareil cas.
Nous pouvons considérer que l’Arrêt objet de la présente étude constitue l’une des premières interventions de la jurisprudence marocaine pour expliquer les contours de la procédure mise en place par l’article 62 du code de travail ainsi que des textes d’application en matière de calcul des indemnités.
C’est pour ces différentes raisons que nous verrons tout d’abord est ce que la procédure légale de licenciement a été respectée dans le cas étudié, avant de traiter du mode de calcul des indemnités tel que expliqué par notre arrêt et la législation applicable.
La procédure de licenciement a-t-elle été respectée ?
L’employeur peut procéder au licenciement du salarié pour un motif lié à sa conduite dans l’entreprise, pour deux raisons :
- Soit que le salarié a purgé, dans la même année, l’ensemble des sanctions disciplinaires ;
- Soit que le salarié a commis une faute grave.
A l’égard du salarié qui a commis une faute non susceptible d’être qualifiée de grave, l’employeur dispose d’un pouvoir disciplinaire dont il ne doit pas en abuser. Cependant, il doit respecter dans la prise de toutes ces mesures disciplinaires, le principe de la graduation des sanctions dont le cumul dans une année pourrait justifier le licenciement du salarié.
Par ailleurs, le code du travail énumère certaines fautes susceptibles d’être commises par le salarié et qui sont considérées comme graves justifiant le licenciement.
Pour pouvoir exercer ce pouvoir de licenciement d’un salarié pour motif valable, l’employeur doit respecter la procédure dictée par le code de travail dont la violation peut dénaturer le licenciement en licenciement abusif.
La convocation à l’entretien préalable
Le présent arrêt considère que le rôle de l’employeur en matière de procédure de licenciement est un rôle positif puisqu’ « à la lecture des dispositions des articles 61, 62, 63, 64 et 65 du code de travail, il apparaît que la mise en application de la procédure de licenciement relève, principalement, de l’employeur qui détient l’initiative de renvoyer le salarié en prétendant qu’il a commis une faute grave……….. ».
Ainsi, en application des dispositions de l’article 62 du Code de Travail, le législateur fait obligation à l’employeur ou son représentant qui envisage de licencier un salarié de convoquer l’intéressé à un entretien dans les huit jours de la constatation de l’acte source de conflit.
L’entretien doit se dérouler en présence du délégué du personnel ou syndical choisi par le salarié.
En cas d’accord entre les parties, un procès verbal est dressé et signé par les parties dont copie est délivrée au salarié.
Cependant, il ressort des conclusions de l’Arrêt étudié que l’employeur doit convoquer le salarié fautif tout en lui précisant le jour et l’heure du début de l’audition et cette formalité ne peut être remplacé comme le prétend l’employeur par le fait qu’il « a envoyé au salarié fautif, une lettre lui définissant la faute dont il est l’auteur et lui demandant de produire ses explications conformément à l’article 62 du code de travail ».
En effet, l’absence du salarié à l’audition n’exonère pas l’employeur de terminer ce qui reste de la procédure légale puisque le dernier alinéa de l’article 62 susmentionné impose le recours à l’inspecteur de travail en cas de refus de l’une des parties d’entreprendre ou de poursuivre cette procédure.
Dans le cas d’espèce, la Cour Suprême a conclu que la Cour d’Appel a très bien motivé sa décision en considérant que le salarié est sujet à un licenciement abusif puisque l’employeur n’a pas respecté les dispositions légales relative au licenciement comme il a été indiqué ci haut.
La conciliation devant l’inspecteur du travail
Le salarié qui s’estime être licencié abusivement, peut recourir à la procédure de conciliation devant l’inspecteur du travail pour la réintégration à son poste de travail ou l’obtention d’une indemnité.
Cependant, il ressort des conclusions de l’Arrêt objet de l’étude que le recours l’inspecteur de travail est obligatoire en cas de refus de l’une des parties d’entreprendre ou de poursuivre cette procédure. C’est ainsi, qu’il a été considéré que l’employeur qui a transmis une lettre de convocation pour une audition à un entretien de licenciement et dont le salarié ne s’est pas présenté, n’est pas exonéré de terminer le reste de la procédure dont le recours à l’inspecteur de travail.
Un procès-verbal constatant le résultat de ces tentatives de conciliation, est établi, signé par les parties et contresigné par l’inspecteur du travail.
Ce procès-verbal tient lieu de quitus à concurrence des sommes qui y sont portées.
La notification du licenciement au salarié
Une fois la procédure légale consommée, l’employeur doit notifier au salarié le licenciement par lettre recommandée avec accusé de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge.
Cette notification doit être faite dans les 48 heures de la prise de la décision de licenciement. Une copie de la lettre de licenciement doit être adressée à l’agent chargé de l’inspection du travail.
Cette lettre doit indiquer les motifs de licenciement, la date de l’entretien préalable avec procès verbal à l’appui pour prouver l’exercice de cette obligation ainsi que la mention du délai de 90 jours pour pouvoir exercer son action devant les tribunaux.
Les indemnités auxquelles a droit le salarié licencié abusivement
La Cour Suprême a cassé l’Arrêt de la Cour d’Appel en ce qui concerne le mode de calcul des indemnités de préavis, de licenciement et des dommages intérêts pour licenciement abusif. Elle a estimé que la Cour d’Appel s’est trompé dans son calcul en attribuant au salarié licencié plus qu’il en a droit.
L’indemnité compensatrice de préavis :
Tout licenciement sans préavis ou sans que la durée du préavis soit intégralement observée impose à la partie responsable le versement à l’autre partie d’une indemnité compensatrice de préavis.
Aux termes de l’article premier du Décret n° 2-04-469 du 29 décembre 2010, le délai de préavis pour la rupture unilatérale du contrat de travail à durée indéterminée, prévu à l’alinéa 2 de l’article 43 de la loi susvisée n° 65-99, est fixé comme suit :
Pour les cadres et assimilés, selon leur ancienneté :
- moins d’un an : un mois ;
- un an à 5 ans : deux mois ;
- plus de 5 ans : trois mois.
Pour les employés et les ouvriers, selon leur ancienneté :
- moins d’un an : 8 jours ;
- un an à 5 ans : un mois ;
- plus de 5 ans : deux mois.
Dans le cas d’espèce, Mme R.B cadre qui travaillait pour la société pendant 11 ans devrait bénéficier, conformément au décret précité, à une indemnité compensatrice de trois mois et non six mois comme a décidé la Cour d’Appel.
Indemnité de licenciement (indemnité minimum légale)
Elle est due à tout salarié licencié qui était lié par un Contrat de travail à Durée Indéterminée, ayant effectué au moins 6 mois de travail dans la même entreprise, n’ayant pas commis de faute grave et quels que soient le mode de sa rémunération et la périodicité du paiement du salaire.
Aux termes de l’article 53 du code de travail, le montant de l’indemnité de licenciement pour chaque année ou fraction d’année de travail effectif est proportionnel à l’ancienneté du salarié dans l’entreprise à raison de :
Années de travail effectif effectuées |
Indemnité due équivalente à |
5 ans | 96 heures de salaire |
6 à 10 ans | 144 heures de salaire |
11 à 15 ans | 192 heures de salaire |
Plus de 15 ans | 240 heures de salaire |
La Cour Suprême considère que la Cour d’Appel s’est trompé en prenant en considération comme base de calcul pour l’indemnité de licenciement 1680 heures et non 1392 Heures équivalente à 11 ans passés à l’intérieur de l’entreprise. Donc, le montant de l’indemnité doit être de 72.801,60 Dh et non 100.800,00 Dh comme a décidé la Cour d’Appel.
Dommages intérêts pour licenciement abusif
Le salarié licencié abusivement a droit en plus de son indemnité de licenciement et de l’indemnité compensatrice de préavis, au versement de dommages et intérêts.
Leur montant est fixé à 1,5 mois de salaires par année d’ancienneté, et plafonné à 36 mois de salaire.
Dans le cas d’espèce, le salarié licencié a passé 10 ans et un mois au sein de la société ce qui fait que les dommages indemnités à lui payer sont 165.709,50 Dh et non 230.000,00 Dh comme a décidé la Cour d’Appel. Ces dommages intérêts sont calculés comme suit : (11 X 1,5) =16,50
10.043 X 16,50 = 165.709,50 Dh
Indemnité compensatrice de congés payés
Une indemnité compensatrice de congés annuels payés est accordée à tout salarié licencié quel que soit le motif du licenciement, n’ayant pas bénéficié d’une partie ou de la totalité de son congé et ayant travaillé au moins un mois au sein de la même entreprise.
Cette indemnité est équivalente à la rémunération qu’aurait perçu le salarié licencié s’il avait bénéficié de son congé annuel payé.
Dans le cas d’espèce, la Cour d’Appel non attaqué sur ce point, a décidé l’octroi d’un montant de 10.000,00 Dh comme indemnité compensatrice de congés payés.
» Source : http://www.artemis.ma/Front/Commun/DetailActualite.aspx?AcId=129