Politique de rémunération : Equité ou compétitivité? C’est le marché qui tranchera

  • Plusieurs modèles d’aide à la décision
  • Image de marque, management et plan de carrière… des leviers

‘Je mérite mieux que mon salaire actuel; c’est vraiment injuste après les efforts que j’ai fournis’. C’est souvent dans ces termes que se manifeste le mécontentement du salarié à l’égard de sa rémunération. ‘Ce sont des éternels insatisfaits’, diront plusieurs dirigeants d’entreprise.
Un constat qui n’est pas dénué de vérité. Seulement, la rémunération est problématique quand elle devient le sujet principal de discussion des employés. Ce qui n’est pas sans conséquence sur leur rendement et leur motivation, sans parler de leur adhésion aux objectifs stratégiques. ‘Cela fait une année que je suis dans cette entreprise, on ne cesse d’y parler d’augmentation de salaire’, témoigne un cadre.
‘C’est un symptôme d’iniquité de la politique de rémunération’, affirme Pierre Triquet, expert en politique devant une trentaine de DRH des grandes entreprises au cours d’un séminaire organisé par l’APD, jeudi dernier. L’équité est une notion sur laquelle le consultant français insiste particulièrement. Néanmoins, elle n’a rien d’objectif, ‘elle est un sentiment, une estimation de ce qui est juste’, explique-t-il. Cette thèse est réconfortée par le fait que la politique de rémunération est souvent perçue comme étant un canal de communication, par lequel des signaux de toutes sortes peuvent être envoyés. Accorder une prime ou une augmentation à un groupe de salariés et pas à un autre est reçu comme un message de récompense des uns et d’insatisfaction vis-à-vis des autres. Pire, geler carrément l’augmentation peut être perçu comme une invitation à quitter l’entreprise.
‘Après la distribution des primes, les discussions de couloirs sur le pourquoi du comment font l’évènement. Elles durent un mois, au meilleur des cas’, révèle Lahousseine Digoulay, DRH de Maroc Telecom. Pour une entreprise qui compte 11.000 collaborateurs entre fonctionnaires et contractuels, cinq syndicats et une présence importante du public dans son capital, assurer une rémunération juste, acceptée par tout le monde, est plus qu’un challenge, une question vitale.
Mais, en réalité, les entreprises ont d’autres parties à satisfaire, les actionnaires en l’occurrence, dont les intérêts sont littéralement à l’opposé de ceux des salariés. ‘La satisfaction du client final est ce qui doit faire infléchir les uns et les autres (théoriquement)’, explique Triquet. En tout cas, un équilibre entre équité et compétitivité doit être trouvé.
Certaines entreprises peuvent faire jouer d’autres leviers pour atténuer la faiblesse des salaires: la qualité du management, l’image de marque, l’environnement de travail (siège, bureau, matériels, etc.), et les possibilités de développement de carrière. En sus de la rémunération, ces cinq éléments constituent ce que les experts appellent ‘le personnel mix’. ‘Plus une entreprise offre sur les volets hors-rémunération, moins elle aura à donner en salaire’, conclut l’invité de l’APD.
Dans un contexte de tension croissante sur les RH, la mise en place d’une politique de rémunération transparente, basée sur un référentiel clair, est plus que jamais indispensable. Cela se fait sentir dans certains secteurs plus que d’autres. Les télécoms sont l’exemple-type. Mais cela n’empêche que la prise de conscience est générale. Pour preuve, le nombre considérable des participants à la formation de l’APD.
Quel référentiel alors? Le broadbanding avec points de référence est un modèle que propose Pierre Triquet. Il est composé de trois niveaux hiérarchiques différents: A, B et C. Chaque niveau correspond à une bande large de salaires. Ce système, importé des Etats-Unis, encourage la performance et invite au dépassement des cloisonnements hiérarchiques. Ainsi, l’employé qui atteint le plafond du niveau A peut toucher un salaire supérieur à celui du cadre du bas du niveau B. Les points de référence sont empruntés au marché.
Cette logique de marché, Chaabi LLD l’applique tous les jours, soutient son président Omar Filali: ‘Nous demandons à nos salariés de mettre quotidiennement à jour leur CV et d’être en permanence connecté au marché de travail’. ‘Aussi leur disons-nous si vous trouvez un personnel-mix plus intéressant ailleurs, allez-y mais si vous restez, nous voulons que vous en soyez convaincus’, martèle-t-il.
Accompagner la politique de rémunération par de la pédagogie et de la communication est une autre condition. Cela appelle néanmoins certains prérequis: l’entreprise doit disposer d’une réelle stratégie aux objectifs clairs. Dans ce tout stratégique, la politique de rémunération n’est qu’un instrument parmi d’autres.

Source : leconomiste.com

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